Lors d’un championnat, il y a parfois des incohérences de programmation. Par exemple, demain auront lieu les finales du 400m et 4*400m féminins avec seulement 1h40 entre les 2 courses. Ce qui signifie que des nations ne pourront pas bénéficier du potentiel maximal de leurs meilleures athlètes. Si la France échoue pour une breloque d’un rien, ce sera peut-être dû à l’absence de Floria Guei. Bizarre autant qu’étrange. D’autre part, contrairement à hier matin, la session d’aujourd’hui affiche un programme largement plus copieux.
On démarre donc par les qualifications du marteau. Tranchantes comme une faucille, Alexandra Tavernier remettra une tournée en finale,
tout comme la patronne de l’auberge, la Polonaise Anita Wlodarczyk, championne du Monde, olympique et recordwoman planétaire.
A la perche, le tenant du titre Renaud Lavillenie, avec 2 sauts pas vilains, et Axel Chapelle gardent l’église au centre du village de la perche continentale. News people, le jeune grand espoir étant le compagnon de Ninon Guillon-Romarin , 5ème hier, je lui glisse de faire mieux qu’elle dimanche. Ca l’amuse beaucoup.
Le 3ème Français, Alioune Sene, repêché, les rejoint en finale et ce n’est pas rien.
En embuscade, on trouve les Polonais Pawel Wojciechowski, champion du Monde en 2011 à Daegu
et Piotr Lisek, vice-champion du Monde à Londres l’an passé.
Je ne suis pas un adepte du scrabble mais si vous arrivez à placer le nom du vainqueur coréen sur le plateau, je pense que cela vaut 250 points, mot compte triple. Un de ces compatriotes, Marcin Moczulski de Varsovie, un spectateur avec qui j’ai sympathisé et que je retrouve tous les jours, a essayé de me le faire prononcer. WO-JCIE-CHOW-SKI. Bel exercice de diction.
Mon ami Marcin
Plus loin dans le classement, on retrouve également le grec Filippidis, vainqueur planétaire en salle en 2014.
Par contre, élimination surprise du héros de 2009, couronné à Berlin devant son public, l’Allemand Raphael Holzdeppe, qui accepte malgré la déception, un cliché.
La Pologne, présente partout, fait à nouveau bonne figure sur 1500m femmes avec le meilleur temps des demi-finales réussi par Sofia Ennaoui.
Cela promet un beau duel avec la double championne d ‘Europe en salle, la Britannique Laura Muir.
Côté français, on assiste à une très belle matinée. Ophélie Claude-Boxberger, fille de feu Jacky, double vainqueur notamment du marathon de Paris, multi champion de France en cross, sur piste et sur route, décédé tragiquement dans un safari kenyan, maitrise parfaitement sa série.
Emma Oudiou s’arrache au bout des 7,5 tours pour obtenir sa qualification au temps. Boudiou que c’est bon !
Au triple saut, Jean-Marc Pontvianne est le premier à passer en finale. Tellement facile qu’il est inutile d’en faire un pont aux ânes.
Il affrontera le champion olympique portugais de Pékin, Nelson Evora. Quand celui-ci traverse la tribune de presse anonymement (c’est à dire sans aucune interview), je l’aborde en lui disant que j’étais dans le nid d’oiseau pour sa victoire en 2008. La photo souvenir devient une évidence.
Les séries du 4*400m se passent bien pour nos couleurs et je suis bien placé pour vérifier les passages de témoins.
Atine-Venel, Hanne, Anne et Jordier me font ensuite l’honneur d’un cliché collectif.
L’heptathlon tient le stade en haleine. Johnson-Thompson remporte la longueur juste devant Thiam (6,68m contre 6,60m) mais la Belge reprend le dessus au javelot avec un jet exceptionnel à 57,91m.
La matinée se termine mais je veux lever un doute qui m’habite depuis mardi. La personne bénévole qui propose tous les jours des bouteilles d’eau aux athlètes après leur course ressemble beaucoup à l’Allemande Betty Heidler, championne du Monde de marteau à Osaka en 2007. J’ai pourtant du mal à croire qu’elle soit cantonnée à ce simple rôle. Alors quand les lanceuses de ce matin la saluent et l’enlacent, mon incertitude s’estompe. Sa mission achevée, je la vois s’éloigner mais j’ose crier son prénom. Elle quitte la zone réservée, revient vers moi et pose gentiment à mes côtés. Problème, pour elle en tout cas, c’est que tous les Allemands autour de moi réalisent que c’est une des stars qui avait fait chavirer ce même stade en 2009 pour sa médaille d’argent. Du coup, une cohue se crée mais moi, je suis parti.
Pas pour longtemps car la soirée s’annonce grandiose. On est vendredi, les Allemands sont de sortie, 48000 personnes ont fait le déplacement. Après une demi-finale du 110m haies gagnée aisément, le Russe, sous bannière neutre, Sergei Shubenkov prend le temps de poser.
Les épreuves s’enchainent. Sur 800m, Bosse et Kszczot passent en finale. Encore 3 Polonais y figureront. Le final de la hauteur est étonnant. Demireva fait l’impasse sur 2 barres (1,94 et 1,97m) et franchit 2,00m au troisième essai, soufflant l’argent à l’Allemande Jungfleisch. La logique est tout de même respectée puisque Mariya Lasistkene née Kuchina remporte le titre. C’est une victoire teintée de mélancolie. Sa moue de désolation à l’annonce de son origine, athlète neutre, donne une impression émouvante. Pas de drapeau, pas d’hymne, pas de télévision russes. Il paraît lui manquer tout le charme du succès.
A l’inverse, au javelot, Christin Hussong est portée par tout un stade qui donne la claque à chaque essai. Et cela fonctionne plutôt car elle remporte le titre avec un gouffre de 6,05m de marge sur sa dauphine.
Le dénouement de l’heptathlon est à la hauteur de ces 2 jours. Dans l’ultime 800m, Johnson-Thompson s’arrache autant que ce peut mais pas suffisamment pour empêcher Thiam, pourtant carbonisée de l’emporter. Les prix attribués, toutes les heptathloniennes attendent sagement leurs leaders pour le traditionnel tour d’honneur collectif.
Sur 400m, les jumeaux Borlee effectuent un magnifique numéro de duettistes derrière l’Anglais Hudson-Smith. Avec son chapeau melon et son grain de folie, le Britannique pourra, pourquoi pas, traverser le fleuve new-yorkais à la nage.
Question fratrie, on est servi quand les frères Ingebrigtsen prennent les choses en main à la cloche du 1500m. Mais Henrik et Filip doivent céder tandis que le, encore junior, Jakob tient bon face au retour du jovial Lewandowski.
Troisième titre pour cette famille en or après 2012 et 2016.
Et évidemment, les émotions bleu-blanc –rouge avec d’abord la médaille d’argent de Rénelle Lamote sur 800m, en larmes au passage devant ses supporters.
Et ensuite le titre pour Pascal Martinot-Lagarde, couronne qu’il attendait depuis au moins Néandertal.
Demain duel entre les 2 autres médaillés d’or français sur 5000m : Mekhissi-Benabbad vs Amdouni. A suivre.