Offre d’emploi urgente : ATP (Association des Tennismen Professionnels) recherche toute personne ayant des compétences médicales pour remettre joueurs sur pied. Ne pas avoir peur d’effectuer des heures.
Nishikori blessé, Murray opéré et donc tous deux absents. Raonic et Wawrinka pas complètement remis, Simon à l’arrêt, Djokovic bras en vrac, Dimitrov cramé et enfin Nadal avec une patte folle. Les tout meilleurs mondiaux ne sont pas épargnés. Arriver au bout d’un grand chelem n’est pas une sinécure…
Il est midi lorsque je quitte l’hôtel pour me rendre au stade. Le nombre de matchs diminuant, j’ai à nouveau du temps pour me promener dans Melbourne. Mais même dans la rue, le tennis me rattrape. Une jeune fille m’arrête pour effectuer un sondage quelconque. Je lui dis que je ne suis peut-être pas la personne adéquate pour répondre à ses questions. Elle me répond que je ressemble à Djokovic, ce qui n’a rien à voir avec son sujet. « Vous croyez ? On ne me l’avait jamais dit. » « Si, si vraiment » « Merci je le prends comme un compliment »
La suite est maintenant une agréable routine. Balade le long de la rivière, contrôle très sommaire de mon sac, passage dans l’atrium, « Bonjour Dame qui SAIT, comment ça va aujourd’hui ? Mon pronostic du jour ? Je me suis planté hier en envisageant Djokovic–Thiem, je mise aujourd’hui sur Nadal–Dimitrov en demie ». Je prends mes 2 bouteilles d’eau, le programme du jour, passe boire mon café avec mon nouvel ami mexicain et en route pour la Rod Laver Arena.
Le premier match oppose l’Ukrainienne Svitolina, tête de série numéro 4 à la Belge Mertens. Ma voisine du jour ? Devinez ? Une septuagénaire… qui bouquine « The crowded grave » de Martin Walker à chaque changement de côté. Lit-elle en regardant du tennis ou regarde-t-elle du tennis en lisant ? Mécaniquement à chaque « Game Svitolina » ou plus souvent à « Game Mertens », elle replonge dans son polar, le quittant dès que l’arbitre annonce « Time ». L’ambiance tranquille du stade est du même acabit. Pour les loges situées au-dessus, il est temps de passer à table. On entend le cliquetis des couverts et des verres. Parfois le bruit d’un bouchon de bouteille qui saute fait réagir mon voisinage. Les odeurs de cuisine sont largement perceptibles et alléchantes. Pour d’autres, c’est l’heure de la sieste. On est au zénith et une grande partie des tribunes subit le soleil, créant une somnolence générale. Pas évident de se concentrer sur le jeu. Le public n’offre donc aux joueuses que des applaudissements polis et confidentiels.
Dans cette atmosphère léthargique, la Belge remporte le premier set. Mais sa rage de vaincre et son dynamisme parviennent à réveiller le public dans la deuxième manche. Après tout, la 37ème mondiale est en train de créer l’exploit et mérite un intérêt. En y regardant de plus près, je découvre qu’elle a gagné le tournoi en simple et en double à Hobart en début d’année après avoir représenté la Belgique à la Hopman Cup, qu’elle fait partie de la structure privée créée par l’ancienne numéro 1 mondiale Kim Clijsters, qu’elle n’a que 22 ans et qu’elle a un potentiel de progression énorme. Elle joue bien, vite, juste, a une très bonne qualité de pied qui lui permet de prendre la balle très tôt, a de l’énergie à revendre et une détermination surprenante. En face, la numéro 4 mondiale est débordée et prend une bulle (6-0) dans la deuxième manche. Mertens passe en demi-finale sans avoir perdu un set.
Je m’interroge alors sur le tennis français en voyant une tenniswoman aussi bien préparée.
Premièrement, Herbert, Tsonga et Pouille tous 3 éliminés à Melbourne très tôt, ont fêté leur victoire en coupe Davis aux Seychelles, Pouille allant même ensuite skier aux périodes de Noël. Bien sûr, ils ont parfaitement le droit de profiter de la vie. Mais mon capitaine, ont-ils la préparation ad hoc pour un tournoi du chelem? Je ne connais pas grand chose en technique tennistique mais ai une petite idée sur la préparation physique. Si je dois jouer 7 éventuels matchs à partir du 15 janvier avec des températures oscillant entre 25 et 40 degrés, ne serai-je pas sur le pont dès début décembre? 6 semaines pour préparer un tel défi physique me paraissent un minimum. Toni Roche, ancien entraineur de Roger Federer, Ivan Lendl, Pat Rafter et Lleyton Hewitt, a déclaré un jour que pour gagner un tournoi du grand chelem, il fallait être prêt à jouer 7 matchs en 5 sets. Etre sur une plage dans l’océan indien ou sur une pente enneigée ne sont sans doute pas le meilleur moyen pour y parvenir.
Deuxièmement, Kristina Mladenovic a dû abandonner il a 2 semaines à Sydney à cause de la chaleur et Alizé Cornet a justifié sa défaite (face à Mertens, qui a donc montré aujourd’hui qu’elle était loin d’être cramée) par des températures de jeu trop élevées. Avec leur expérience, elles doivent tout de même se douter qu’à Melbourne au mois de janvier, il ne va pas faire un froid polaire. Je ne comprends pas leur surprise. Où et comment se préparent-elles ? Si je dois courir le marathon des sables, je ne vais pas m’entrainer dans un frigo.
Troisièmement, en France, grâce à la fédération, la possibilité de jouer au tennis et de prendre des cours est très vulgarisé. On peut pour une somme relativement modeste s’inscrire dans un club et pratiquer aisément. Et c’est tant mieux. Si vous parvenez au niveau national, vous avez accès au centre d’entrainement de Roland Garros, joyau que beaucoup de joueurs étrangers nous envient. Dans la plupart des autre pays, c’est différent. Ce sont des structures privées et donc beaucoup plus onéreuses. Le revers de la médaille est donc qu’en France, j’ai tendance à penser que les tennismen pros baignent dans un confort, suivant une ligne toute tracée, ont moins faim alors que les joueurs étrangers doivent se battre pour exister.
Conclusion de ces 3 points (ce n’est que mon avis et je n’ai sans doute pas tous les éléments pour juger), une Belge bien préparée physiquement est en demi-finale et tous les Français sont à la maison.
Fin de l’aparté et retour au jeu.
Pour me donner tort, je vais sur le court numéro 3 et assiste à la fin du match et à la victoire de le Hongroise Babos associée à… Kristina Mladenovic. Après 15 défaites en simple, elle remporte une 4ème victoire en double. Il faut être 2 pour danser le tango.
Ensuite, je file sur le court numéro 18 voir l’entrainement de Federer. C’est très surprenant. Il se contente de taper dans la balle sans se soucier qu’elle termine dans les limites du court ou pas. Quand il sert, plus de la moitié de ses engagements finissent en dehors des carrés. On a l’impression qu’il joue pour son sparring-partner, beaucoup plus précis et concentré. Sans doute que pour ce dernier, être en face du maitre devant plus de 200 personnes pousse à l’excellence.
Retour sur le central et début de la partie entre le Bulgare Dimitrov et l’Anglais Edmund. Le numéro 3 mondial n’est vraiment pas verni. Au deuxième tour, il a dû jouer l’Américain MacDonald, soutenu par une grande partie de l’assistance; il gagne en 5 sets, 8-6 au dernier. Ensuite, il doit affronter sous 39 degrés le grand espoir russe Rublev. 4 sets à nouveau. Il est si heureux de s’en sortir qu’il célèbre sa victoire à genoux, montrant la difficulté de l’ouvrage. En huitième, il doit se battre contre Kyrgios et toute l’Australie. Et aujourd’hui, il joue un Britannique, à nouveau largement encouragé par le public, solidarité entre sujets de sa Majesté oblige. Trop d’énergie dépensée sûrement pour le Bulgare, car mené 2 manches à 1 après 3 sets équilibrés, il paraît épuisé et s’incline logiquement.
Après Thiem et Djokovic, un nouveau favori à la trappe. Lors de l’interview d’Edmund par le truculent Jim Courier, je remarque la présence du plus grand joueur de tennis britannique de l’ère open après Andy Murray : le classieux Tim Henman, demi-finaliste à Roland Garros, l’US Open et surtout dans son jardin de Wimbledon. Ça mérite un cliché.
Il est 17h30. C’est l’heure un peu tardive du goûter devant un match féminin du tournoi des légendes. Iva Majoli, vainqueur de Roland Garros en 1997, joue en double avec Lindsay Davenport, ancienne numéro 1 mondiale, couronnée en grand chelem en Australie, à Wimbledon et à l’Us Open. Comme la Bretagne est aussi un pays de légendes, j’ai le droit à une photo souvenir.
Il est maintenant 18h30 et chose incroyable depuis le début du tournoi : je n’ai pas de matchs à aller voir. Mais que vais-je donc pouvoir faire pendant ces 30 minutes ? J’assiste à un direct d’une journaliste sur une chaine nationale australienne. Habillée en veste de tailleur, parfaitement coiffée et maquillée, elle lit son prompteur en jean et baskets. Contraste amusant entre le haut et le bas de sa tenue. Ça me rappelle Alain Chabat dans « le journal des Nuls« .
Mais il est déjà l’heure de retourner sur les bancs de la Rod Laver Arena. Le numéro 1 mondial Rafael Nadal affronte le Croate Marin Cilic. Les deux premiers sets sont d’un ennui mortel. C’est une opposition entre les 2 joueurs qui prennent le plus de temps à servir. C’est long, c’est trèèèèès long entre les rares échanges. Le public ne s’y trompe pas. Peu d’ambiance, beaucoup de gens consultent leur smartphone, vont et viennent chercher à boire ou à manger. Bref, après 2 heures de jeu, je pense que c’est sûrement le match le plus soporifique (le seul ?) de la quinzaine. Heureusement, au milieu du troisième set, le match prend une nouvelle dimension. L’Espagnol ne s’en sort pas et on va peut-être assister à une nouvelle surprise. Alors quand il hurle son soulagement de remporter la manche 7 points à 5 au tie-break, le public suit et l’ambiance monte de plusieurs crans.
Mais le soufflé retombe. Le numéro un mondial boite bas et fait appel 2 fois au soigneur. Il ne court plus et peine à servir. Il laisse filer le 4ème set. Comme le 5ème démarre sur les mêmes bases, Nadal, doit faire face à un choix cornélien: abandonner ou pas? Et de rage et de désespoir, il doit rendre les armes. J’ai assisté aux finales de l’US open en 2010 et Roland Garros l’année dernière, toutes 2 remportées par l’Espagnol. Dimanche, je verrai un nouveau vainqueur. Peu importe de qui il s’agit, pourvu qu’il soit suisse.
En quittant le stade, je croise des fans ibériques en pleur. Ce soir, c’est la fête des Croates.
Justement en les évoquant, j’en ai croisé un célèbre. Comme tous les soirs, je passe devant « mon » hôtel de luxe. Hier, Nadal finissait de manger. Aujourd’hui, c’est Goran Ivanisevic, vainqueur de Wimbledon en 2001 (victoire acquise en ayant dû sa participation au tournoi à une invitation des organisateurs !), qui se lève de table. Mais contrairement à hier soir, je ne me trompe pas de porte. A suivre.
- Halep-Pliskova
- Kerber-Keys
- Mertens-Wozniacki
- Sandgren-Chung
- Berdych-Federer
- Cilic-Edmund