On est dimanche et on le sent dans les rues. De tous les événements internationaux auxquels j’ai eu le plaisir d’assister, le chemin qui mène au stade est sans conteste la plus belle balade. Il se suffit à lui-même. Les autres jours de la semaine, c’est déjà très agréable et reposant mais aujourd’hui, le rythme est… dominical. Sur le petit chemin séparant les bars et les restaurants de la rivière, les Australiens flânent, se promènent, des coureurs courent, des rameurs rament et des cyclistes cyclent dans un cadre mêlant avec respect buildings et nature verte. Je me répète sans doute mais le cadre est idyllique et oblige à la bonne humeur. Sur les quais, on trouve quelques spectacles de rue et on ne peut que s’y arrêter. Tantôt un groupe de hiphop, tantôt des chanteurs guitaristes. L’ambiance est festive. La palme revient à un équilibriste, jongleur sur échelle. Impressionnant. Le gars allie tout autant la performance athlétique que comique. A la fin de son numéro, il fait tourner son chapeau et récolte au moins 300 dollars australiens (équivalent à environ 200 euros). Laissez le charme agir.
La balade se poursuit et j’arrive aux abords du Melbourne Park. Un grand groupe de personnes sont assises sur une colline surplombant le site et peuvent apprécier les échanges tennistiques sur un écran géant en sirotant un cocktail. En face d’eux, d’autres profitent de la vue en faisant tourner la roue.
Je pénètre dans l’enceinte sportive par l’entrée des partenaires et comme tous les jours, ai le droit à un petit mot d’accueil de « la dame qui SAIT » et une poignée de main chaleureuse du contrôleur de pass. Leur gentillesse et leur prévenance méritent bien une photo souvenir.
Ensuite, je traverse l’atrium réservé mais ne m’y attarde que très peu. L’ambiance est trop guindée. Pantalons de toile, chemises en satin et mocassins, je ne me sens pas à ma place. Je parie que certains ne quittent jamais l’endroit et préfèrent enquiller les verres de rosé.
Sur le programme du jour, le match qui paraît le plus équilibré oppose le Croate Marin Cilic, numéro 6 mondial, à l’Espagnol Pablo Carreño Busta, numéro 11. Problème : il a lieu dans la Margaret Court Arena, seule enceinte à laquelle je n’ai pas accès. Il en faut plus pour m’arrêter. Première porte (il y en a 30), je me fais refouler par un vérificateur de billets attentif. Deuxième porte, la personne est moins vigilante et me voici dans l’antre. Je n’ai pas de scrupules car le match est loin d’afficher complet. Je n’ai aucun problème à trouver une place libre. Le match est de très bonne qualité. Les joueurs se rendent coup pour coup. Je remarque que le Croate applique les gammes qu’il répétait lors de l’entrainement auquel j’avais assisté mardi. Dans le troisième set, alors qu’il y a une manche partout, l’Espagnol mène 5-4, sert pour virer en tête et s’écroule mystérieusement. Il perd son engagement et s’incline ensuite au tie-break 7-0. Le tennis est vraiment un sport mental. Un point négatif de la rencontre est d’attendre que Cilic serve. Le stade est silencieux, on entendrait une mouche voler et le rituel commence. Le Croate fait rebondir 2 fois la balle avec la raquette, 1 à 2 fois avec la main, s’arrête, lève la tête, regarde son adversaire, refais à nouveau rebondir 10 à 12 fois avec la main (« seulement » 8 à 10 pour le deuxième service) et engage enfin. Comme il n’y a pas un bruit excepté l’incessant poc poc poc, ça peut devenir crispant. La torture de la goutte d’eau. Cela finit peut-être d’achever l’Espagnol qui s’incline en 4 sets après 3h27 de jeu. C’est sa 20ème défaite en 21 rencontres contre un Top 10. Sa 11ème place mondiale est donc bel et bien sa limite.
Je file ensuite sur le court central où Rafael Nadal vient de remporter la première manche 6-3 face à l’Argentin Diego Schartzman. Je m’attends donc à un match rapide et une formalité pour le numéro 1 mondial. Pour moi, le seul génie argentin s’appelant Diego, utilisant sa main, n’est pas tennisman. Mais point de facilité bien au contraire. Presque tous les jeux sont engagés et vont jusqu’à « égalité ». Contrairement à la grande majorité des tennismen dont la taille est supérieure à 1,85m, le Sudaméricain dénote avec son 1,67m. Son surnom, « El Peque » contraste avec la grandeur se son talent. Il ne lâche rien. Déjà au premier tour, il avait fini par remporter son match 11-9 au 5ème set. Il frappe fort et juste des 2 côtés. A part contre Djokovic en 2015 à Roland Garros, je n’avais jamais vu l’Espagnol aussi malmené. Bien qu’ayant breaké 2 fois dans le deuxième set, le numéro un mondial perd la manche. Il se fait promener à droite et à gauche du court et en voit de toutes les couleurs. C’est l’Argentin qui se nomme Schwartzman mais c’est Nadal l’homme au regard noir. Pourtant, lors du début des 3ème et 4ème set, « El Peque » laisse passer sa chance. Il a plusieurs balles de break et manque 2 fois l’immanquable. La rage indestructible de gagner de l’Espagnol finit par avoir raison. 3h51 de jeu. Le numéro un mondial qui conservera son siège après le tournoi suite à cette victoire peut lever les bras au ciel. Il a eu chaud. Mais quel spectacle ! L’Argentin peut sortir sous l’ovation du public.
La session de jour est terminée. Nous sommes invités à quitter les gradins. Dans 45’ minutes, j’y serai de retour. J’en profite pour me dégourdir les jambes et me promener dans les travées. L’enceinte du Melbourne park est à l’image de la ville. On y trouve de nombreux points de restauration variée, des bars devant lesquels certains commencent à tituber, plusieurs activités pour les jeunes et les moins jeunes, des petites places aménagées pour profiter des écrans géants et même 2 scènes de concert et une discothèque plein-air. Impossible de s’ennuyer. C’est la fête au village. Par contre, on ne croise pratiquement plus de joueurs de tennis. 90% sont éliminés et ceux qui restent ne pourraient pas traverser le parc sans créer d ‘émeute. On peut cependant rencontrer leurs supporters, comme ce couple de Bulgares qui méritent la photo.
Retour sur le central pour l’affiche du jour. Dimitrov, numéro 3 mondial face à Kyrgios, star locale. Le stade est plein comme un œuf. Le match est intense, l’ambiance est électrique. Le Bulgare a gommé les fautes directes qu’il commettait au deuxième tour. Il gagne la première manche 7-6. Au deuxième set, il a rapidement le break en poche. En face, l’Australien paraît jouer avec nonchalance, donne l’impression qu’il est sorti du match et qu’il va se faire punir. Il a une attitude insaisissable. Il se comporte souvent comme un enfant gâté ou mal élevé, agace la plupart de mes voisins puis grâce à un sourire ou un beau geste, se remet tout le public dans la poche. Et contre toute attente, il se ressaisit, parvient à refaire son retard et emmène Dimitrov à nouveau vers un jeu décisif… qu’il perd. A partir de ce moment, la partie rentre dans une nouvelle dimension. Presque chaque point remporté par Kyrgios fait hurler le public. Je n’avais jamais assisté à une telle ambiance sur un court de tennis. On alterne entre le calme de cathédrale des points et l’explosion publique. En plus, comme à chaque changement de côté, la sono balance les groupes stars australiens INXS ou AC/DC, le show est total. Le numéro 17 mondial remporte la troisième manche et le niveau sonore monte encore d’un cran. Le tennis de Kyrgios est incroyable, complètement non académique. Il tape le plus fort possible : ça passe ou ça casse. Souvent ses deuxièmes balles de service vont à plus de 200km/h. Il joue sans filet. Et le public raffole.
Dans le 4ème, Dimitrov mène 4-3, avantage pour lui, service Kyrgios, deuxième balle, 3h08 de jeu. Gros danger pour l’Australien. N’importe qui assurerait sa mise en jeu, lui frappe à 202km/h pleine ligne. Son adversaire ramène tant bien que mal, il ne reste plus qu’un smash facile pour le serveur qu’il tape nonchalamment dans le filet. « Ohhhh » catastrophé du public. C’est sûr, le match est terminé. Impossible pour le Bulgare de perdre son service. Mais si vous avez déjà joué au tennis, imaginez devoir servir avec presque 15000 personnes qui attendent que vous ratiez la moindre balle. La tension est si palpable, les silences si assourdissants, que la main du numéro 3 mondial finit effectivement par trembler. Débreak et explosion des décibels. En route le 3ème tie-break.
Mais Dimitrov montre qu’il n’est pas à ce niveau-là par hasard, se ressaisit et remporte le jeu décisif et la partie. 8-6 au 5ème set au deuxième tour, un énorme match sous le cagnard contre Rublev au troisième et un « seul contre tous » en huitième, le Bulgare a vraiment des nerfs en acier. En tout cas, quel match ! Quelle ambiance ! C’est exactement pour ce genre de parties que je voulais venir à l’open d’Australie. Dommage pour la suite de la quinzaine, il n’y a plus d’Australien. Mais la perspective d’autres affiches paraît alléchante : Nadal–Dimitrov et Djokovic–Federer en demies en vue ? A suivre.
- Halep-Osaka
- Strycova-Pliskova
- Hsieh-Kerber
- Keys-Garcia
- Mertens-Svitolina
- Suarez Navarro-Wozniacki
- Thiem-Sandgren
- Djokovic-Chung
- Fognini-Berdych
- Fucsovics-Federer
- Nadal-Cilic
- Dimitrov-Edmund