Le troisième tour est terminé. Après le Belge Goffin et le Suisse Wawrinka, l’Allemand Zverev et l’Argentin Delpotro sont passés à la trappe dans le bas du tableau. 3 hommes et un Goffin en moins donc pour Djokovic et Federer. Du côté tricolore, plus aucun Français. Je suis le seul à rester en deuxième semaine. Après avoir gagné la coupe Davis, Nadal, Djokovic, Murray, Federer et Djokovic avaient tous enchainé par une très belle saison derrière. Chez les Français, c’est l’inverse.
Chez les filles, Cornet peut se regarder dans la glace mais a fondu au soleil. Il ne reste que Caroline Garcia pour faire rire le sergent.
Je commence ma journée par une déception. J’assiste à un match du tournoi des légendes entre les frères américains McEnroe et la paire suédoise Wilander–Johansson, tous deux vainqueurs de l’open d’Australie. Le jeu est sans passion, sans âme, sans saveur. John tente d’imiter ses colères légendaires mais ça sent le réchauffé. Patrick consulte son smartphone aux changements de côté, semblant se désintéresser totalement de la partie. Les frères étaient au rythme de Skyrock dans les années 80, passaient sur RFM dans les années 2000, ils sont maintenant sur Radio Nostalgie. De leur côté, bien qu’ils ne soient pas des joueurs en kit, les Suédois tentent de sauver les meubles.
Je n’attends pas la fin du match et file sur le court numéro 2 pour assister à un autre double, qui pourrait être dans le tournoi des légendes, mais qui est bel et bien sérieux. Les anciens numéros 1 mondiaux de double, le Brésilien Bruno Soares et l’Ecossais Jamie Murray, grand frère d’Andy, sont opposés à une association indienne Purav Raja et… Leander Paes, que j’avais vu au tournoi de Brest en octobre 1990, il y a plus de 27 ans. Incroyable !!!
Le gars aura 45 ans en juin et a toujours un jeu magnifique tout en toucher, voire en douceur. Il se déplace sur le court à pas de sioux. On peut compter sur lui et son expérience pour se mettre le public dans la poche. Le match, qui se joue en 3 sets gagnants avec jeu décisif éventuel à chaque manche, est intense et se termine au tie-break au troisième set. Les Indiens avec leur jeu épicé finissent par plumer leurs adversaires et peuvent bomber le torse. Ils l’emportent 7-6(3), 5-7, 7-6(6) en 2h54.
Le tour d’honneur du vétéran est largement mérité. Il en profite pour distribuer tout son équipement aux enfants présents. Sympa. Je lui demande à son passage s’il a bien joué à Brest en 1990 et il me le confirme en français dans le texte.
Pas de temps à perdre, je cours sur le central pour la fin d’autre match marathon, la numéro un mondiale, la Roumaine Halep, est menée 11-10 au dernier set et vient de sauver 3 balles de match face à l’Américaine Davis. Le suspense est haletant et les joueuses percluses de crampes. La favorite défend son territoire comme une ville assiégée et parvient à s’en sortir 4-6, 6-4, 15-13 en 3h45. Heureusement pour elles, la température s’est très nettement adoucie. Si elles avaient joué hier, elles seraient sorties sur une civière.
Pause déjeuner et dilemme. Vais-je voir la partie entre le presque retraité Benneteau et le fantasque Italien Fognini ou le match de la jeune génération entre l’Allemand Zverev, 20 ans et numéro 4 mondial, face au Coréen Chung, vainqueur du masters Next Generation? Cocorico, je choisis d’aller encourager l’ancien. Avec sa tenue paramilitaire rouge, le transalpin, né à San Remo a la classe d’un modèle de Milan. Il se fait surprendre au premier set devant un Julien Benneteau, qui refuse de se laisser mener en bateau.
Au bout de cette manche, je constate que le stade est loin d’être plein. Je me rapproche et finis par m’asseoir dans la zone réservée (à qui ? Mystère) juste au-dessus du clan français. Il y a là Thierry Champion, Cédric Pioline, Guy Forget et le célèbre moustachu Mansour Bahrami.
Une explication que je peux donner à mes déplacements aussi aisés est peut-être liée à mon billet d’entrée, un pendentif qui ressemble à celui des joueurs ou de leurs proches. Ou alors, la consigne des organisateurs est de laisser les spectateurs descendre pour éviter les images de tribunes basses clairsemées à la télévision. Tant mieux pour moi, ça m’a permis de suivre la fin des matchs de Nadal, Federer, Djokovic et Dimotrov au plus près de leurs entraineurs et d’écouter leurs instructions. A ce propos, la règle interdisant le coaching est une fumisterie. Les consignes fusent et il faut vraiment abuser pour se faire rappeler à l’ordre.
Benneteau perd pied pendant 2 sets et se ressaisit presque miraculeusement au quatrième. Du côté italien, on sent que le volcan bouillonne et est prêt à érupter. Et quand une balle est litigieuse et que Fognini s’en prend à l’arbitre en remuant les mains avec les pouces qui touchent les index et les majeurs, le public le chauffe pour qu’il explose. Dans la dernière manche, l’Italien boit de l’eau, le volcan s’éteint et un être s’éveille. Il remporte le match face à un Français épuisé.
Comme ma place est bonne, je décide d’y rester. Vont s’affronter le Tchèque Tomas Berdych, finaliste à Wimbledon en 2010 et demi-finaliste des autres tournois du grand chelem, et l’Argentin Juan Delpotro, vainqueur de l’US Open 2009. Affiche digne d’une finale.
Devant moi, l’équipe du Tchèque succède au clan français. Le stade est presque plein dans une ambiance très sud américaine. Malheureusement, c’est un pétard mouillé et la solidité incarnée du Tchèque (je l’aime bien celle-là) fait exploser l’Argentin. Dommage car si le match avait duré, c’eût été chaud bouillant dans les tribunes. Car malgré la victoire écrasante, l’équipe de Berdych est sérieusement tendue et vit mal cette opposition publique. Ça trépigne, ça jure, ça croise les doigts, ça lance des regards noirs et ça tape du pied alors que le score final est sans appel : 6-3, 6-3, 6-2. En tout cas, suivre une partie dans les tribunes c’est déjà grandiose mais au plus près des équipes, c’est vraiment savoureux. Ce sera plus difficile de faire de même en deuxième semaine quand les tribunes seront pleines mais sait-on jamais.
Avant de retourner sur le court central, je m’arrête dans un stand pour tester une raquette. Mon tennis est déplorable et je dois encore travailler mon revers à deux mains.
Je m’assois à ma place attribuée et fais la connaissance de mes voisines du jour. A nouveau des septuagénaires australiennes. Je les collectionne. Et encore une fois, des personnes qui connaissent la Bretagne et qui me parlent de Roscoff et de Josselin. Pour le reste, entre le public autour de moi qui hurle et leur bouche qui s’ouvre tout juste, je peine à comprendre leur accent. Le stade est plein comme un oeuf et l’ambiance est digne d’un concert.
J’avais trouvé Gasquet particulièrement solide lors de ses deux premiers tours. Mais en constatant à la manière avec laquelle il est balayé par Federer, je mesure l’écart entre un bon joueur et les tout meilleurs. On assiste cependant à une partie entre deux des plus beaux revers du circuit. Je vous laisse apprécier la balle de match. Je vous rassure, on voit beaucoup mieux que ce que la vidéo montre. Il faudrait sinon des yeux bioniques…
Quand je me dirige vers la sortie, je passe devant les personnes sortant de la tribune officielle. Je recroise Rod Laver. « Rod, une photo ? Toujours pas ? Ce n’est pas grave, je repasserai… »
Sur le chemin vers l’hôtel, je longe les nombreux bars ouverts ce samedi soir. Les Australiens dansent, boivent, chantent et festoient à souhait dans un cadre en arrière-plan extraordinaire.
Je passe ensuite comme chaque soir devant un hôtel de luxe. Se trouvent devant l’entrée madame Federer et la mère du joueur. Par curiosité, je rentre dans l’hôtel et me pose un instant. Passe alors Carlos Moya puis c’est le père du numéro 2 mondial qui s’assoit à côté de moi. Dans la famille Federer, manque plus que le grand-père et la grand-mère mais c’est le fils que je veux. Sauf qu’il est déjà minuit et que je ne vais pas attendre peut-être jusqu’à 2 heures du matin pour un éventuel râteau. Et il est 14h en Europe, il me tarde de parler à deux personnes. En tout cas, j’ai trouvé le nid de l’oiseau rare. A suivre…
Pour Gabin, voici les tableaux finaux des simples hommes et femmes:
- Halep-Osaka
- Strycova-Pliskova
- Hsieh-Kerber
- Keys-Garcia
- Martic-Mertens
- Allertova-Svitolina
- Kontaveit-Suarez Navarro
- Rybarikova-Wozniacki
- Nadal-Schartzman
- Carreño Busta-Cilic
- Dimitrov-Kyrgios
- Edmund-Seppi
- Thiem-Sandgren
- Djokovic-Chung
- Fognini-Berdych
- Fucsovics-Federer