42 c’est le chiffre du jour. Une température à ne pas courir un marathon. Dans les rues, les promeneurs rasent le moindre building à la recherche d’ombre rafraichissante. « Comment peut-on jouer au tennis dans ces conditions? » est la question que je me pose sur le chemin du stade. Lorsque la chaleur est trop forte, l’organisation du tournoi s’autorise à fermer le toit du court central si et seulement si tous les autres matchs s’arrêtent par équité. Une décision sans doute délicate à prendre quand on connaît le succès populaire de l’événement. Difficile d’expliquer au public que l’on ne joue pas car il fait trop chaud. Show must go on.
Lors de mon arrivée au Melbourne Park, je croise « la dame qui SAIT » qui me demande si mon séjour est agréable. Vous devinez ma réponse. La hauteur du mercure m’empêchant de me déplacer sur les courts non abrités, je vais directement sur le Rod Laver Arena. J’assiste à la fin du simple ukraino-ukrainien féminin entre Svitolina, numéro 4 mondiale qui bat Kostyuk, seulement âgée de 15 ans. Le match suivant est un affrontement entre 2 tennismen également originaires des pays de l’est. Même si le Russe Rublev et le Bulgare Dimitrov sont nés après la chute du mur, la couleur rose saumon de leur tenue à virgule nous prouve que ce passé est définitivement révolu.
Le match tient en tout cas toutes ses promesses entre le finaliste du « Masters Next generation » et le vainqueur du « vrai » masters de l’an passé. Dans les tribunes, le public est aussi très chaud avec beaucoup d’interventions entre les points. Mais quand un type se met à chanter avec un peu trop d’entrain, la réplique de l’arbitre fuse. Un « thank you sir » dit avec un tel ton qu’il faut le comprendre plutôt comme un « tu chantes faux, ça serait bien de fermer ta… » La séance est si cocasse que cela crée l’hilarité générale. Malgré sa qualité de frappe et la vitesse exceptionnelle de son bras, Rublev perd le premier set. Il commet moins de fautes dans le deuxième et remporte la manche. Puis, la chaleur commence à saper le physique des tennismen. Le jeu est plus en réaction qu’en action, presque par réflexe. Il est plus difficile aux joueurs de gagner leur service. Ils ressemblent à des automates. Et le match dure plus de 3 heures. Dimitrov parvient à nouveau à s’en sortir, bien aidé par sa trentaine de supporters, qui brandissent leur drapeau après chaque point et chantent à tue-tête des deux cotés du stade. Leur bonne humeur est communicative. Elle l’était moins le 17 novembre 1993 à Paris au parc des Princes…
A noter le fair-play du Russe, qui bien que défait, s’arrête volontiers signer des autographes à sa sortie du court. La classe.
En observant les tribunes en face de la chaise arbitrale, je m’interroge sur les spectateurs assis au soleil. Pourquoi ne se déplacent-ils pas alors que de nombreux sièges sont libres à l’ombre? Ils doivent aimer courir dans les saunas.
A propos d’arbitre, être juge de ligne sur un court dans de telles conditions météorologiques et rester attentif aux balles dont la vitesse est supérieure à 200 km/h, habillé de leur pantalon officiel ne doit pas être une sinécure. Il faut également noter le sadisme des organisateurs qui proposent aux entraineurs de suivre les matchs de leurs joueurs sur des sièges à la limite entre ombre et soleil. Hier, par exemple, pour suivre Djokovic, le Tchèque Radek Stepanek était assis sous le cagnard alors qu’André Agassi siégeait protégé à ses côtés. Question de palmarès sans doute…
Mes voisines du jour, 5 septuagénaires australiennes, m’abordent pour savoir si je ne suis pas un tennisman dont elles ne se souviennent pas du nom. Je leur réponds que je ne joue pas mais que si j’ai les cheveux courts, je peux peut-être ressembler à un joueur serbe. Le match terminé, je rattrape ensuite un autre groupe de supportrices. Je connaissais « les winneuses de Bohars » avec leur tee-shirt violet (mauve ?), je rencontre les « Ball-women » de Melbourne avec leur tee-shirt rose.
Une petite balade dans les allées du parc pour me dégourdir les jambes et je croise la paire de double espagnole Lopez-Lopez, vainqueur de Roland Garros en 2016. Comme il est important pour moi d’avoir autant de photos de tennismen espagnols que français pour faire plaisir au garçon à qui je dédie ce site, je pose avec Feliciano, ex numéro 12 mondial en simple et 9ème en double, et Marc, champion olympique en double avec un certain Nadal.
Avant le match phare de la soirée, je m’assois une table manger un morceau. 5’ minutes plus tard, 2 dames de 70 ans (décidément !!!) me rejoignent en me disant qu’en Australie, c’est impossible de déjeuner seul. En fait, elles m’ont reconnu et me demandent si je ne suis pas le Français qui a chanté la veille dans le stade. Je leur explique l’histoire des points et elles sont prêtes à me signer un papier pour valider ma marque. Le repas terminé, je file voir Tsonga affronter le local Kyrgios. Le match est décousu. On assiste à de longs sets alternant jolis coups et séries de fautes directes. Par contre, les 3 tie-breaks permettent au public et à Will Smith de vibrer et de soutenir leur champion. Le Français s’incline en 4 sets en ayant atteint les 6 jeux à chaque fois.
Je tente une fantaisie avant de rentrer : avoir un selfie avec le maitre des lieux Rod Laver. Quand il passe près de moi, je lui demande une photo. Il me répond « pas maintenant ». D’accord Rod, mais quand alors ? Ca aurait été classe d’avoir un cliché souvenir avec Rod Laver dans la Rod Laver Arena, plus facile en tout cas à obtenir qu’avec Roland Garros à Roland Garros. A suivre.